Un texte à vingt-six vers

Tout a commencé à la page 371. Comme quoi je ne traduis pas de façon linéaire.

Le texte en question, ce texte contre lequel je butte depuis deux jours déjà, s’intitule « The Midwife’s Garden ». C’est un abécédaire de plantes indispensables à la pharmacopée d’une sage-femme, tracé par la main fictive de M’ame B. et légué, dans un carnet de notes, à Dora Rare, le personnage principal du roman. Au premier coup d’oeil, le texte n’a rien de sorcier. A is for anise, sweet relief for the bowels. B is the butcher’s brook to shrink the womb down. C is for cayenne…

Je ne vous apprends rien, les mots bougent sous ma plume. La structure délicate du poème s’écroule. Anis, ça va (anise, ou plutôt ânis, comme on disait autrefois en Acadie). Mais déjà, au deuxième vers, le butcher’s broom, Ruscus aculeatus, devient, sous l’action de ma main, fragon ou petit houx. J’en perds mon b, et ça ne fait que commencer.

Force est de constater qu’il va falloir creuser un peu. Je garde mon cayenne en c, mon pissenlit en d — je l’appellerai dent-de-lion, un terme en usage à l’époque de M’ame B., pour conserver le d initial de dandelion –, mon fenouil en f (fennel), ma moutarde en m, mes oignons en o et mon sauge en s. Le yew en y occupe désormais la place du i (if en français), le red raspberry squatte le vers f (framboisier)… Même après toute une série de ruses de cet ordre, force est de constater qu’il reste des trous dans mon a b c. Je vais devoir inventer. M’investir pour mieux traduire.

Au rayon 615 de la bibliothèque municipale, j’ai trouvé deux ouvrages plutôt anciens et, ma foi, des plus utiles : Es-tu bâdré de tes vivres?, un ouvrage sur la médecine traditionnelle en Acadie publié par le Centre d’études acadiennes en 1979 (c’est le premier tome de sa collection folklore acadien, préparé sous la direction de l’équipe « Héritage d’herbages »), et Médecine traditionnelle en Acadie, une enquête ethnographique menée par Marielle Cormier-Boudreau et publiée aux défuntes Éditions d’Acadie en 1992. En rentrant chez moi, j’ai piqué à mon mari botaniste son exemplaire de la Flore laurentienne de Frère Marie-Victorin et j’ai ouvert sur mon ordi la base de données des plantes vasculaires du Canada, un outil indispensable lorsqu’il s’agit de traduire des noms de plantes.

En b, la bourse-à-pasteur, un anti-coagulent.
En c, le cayenne du texte source.
En d, le dent-de-lion.
En e, échinacée, écorce ou emplâtre — reste à décider.
En f, le framboisier.
En g, le genévrier ou le goémon.

Tout ça pour un texte à vingt-six vers. Il me reste encore le J, le K, le U et le W, X, Y, Z. (Vous avez des idées?)

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